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Des études sur le COVID-19 se contredisent. Qui a raison, et sur quelles bases ?

Texte mis à jour le 2020-06-19


Des informations contradictoires circulent et il est parfois difficile de s’y retrouver, même au sein de la communauté scientifique. Néanmoins, quelques mesures simples permettent de se faire une idée de la portée d’un résultat scientifique. Et soyez patients... l’histoire (l'humanité) finira par trancher !

Certaines études scientifiques se contredisent. Comment alors se faire sa propre idée si même les chercheurs ne sont pas d’accord entre eux ? Il y a de nombreux facteurs à prendre en compte :

1. La COVID-19 est une maladie récente (identification en décembre 2019) donc les outils et méthodes pour caractériser l’infection et la réponse immunitaire associée sont en voie de perfectionnement. En conséquence, les tests ne sont pas réalisés de la même façon dans tous les pays, et évoluent sans cesse. Des différences dans les protocoles de tests, les méthodes d’échantillonnage, les critères d’identification des patients victimes du COVID-19 et les méthodes de comptage des patients à l’hôpital, à domicile et dans les maisons de retraite, peuvent conduire à des écarts entre les conclusions.

De grandes variations existent sur le nombre de tests diagnostiques effectués par million d’habitants et sur les critères pris en compte pour réaliser les tests: prise en compte ou non du degré de sévérité des symptômes, inclusion ou non dans les tests des personnes asymptomatiques. Ces différences impactent le taux de létalité des cas qui fluctue ainsi entre 1% et 20% selon le pays.

2. De nombreux facteurs influencent la sévérité de la maladie COVID-19 dont il faut tenir compte avant de conclure.

Vu que le taux de létalité de l’infection dépend grandement de l’âge, du sexe et des facteurs de comorbidité, il peut varier énormément d’un pays à l’autre ou même d’une région à une autre, en fonction de l’âge et de la santé des personnes qui la constituent. Par exemple, on s’attend qu’en Afrique où 40% de la population a moins de 14 ans et très peu de personnes âgées soit moins impactée par la COVID-19 que le Japon où 33% de la population a plus de 60 ans.

Par ailleurs, tous les pays n’offrent pas les mêmes conditions d’accueil et de traitement des patients en particulier en fonction de l’accès aux services de réanimation ce qui aura de grande répercussion sur le taux de létalité.

Dans l’avenir, nous découvrirons si des facteurs génétiques ou environnementaux influencent en outre la transmission du coronavirus ou la sévérité des symptômes.

3. De nombreux facteurs influencent la transmission de la maladie COVID-19 dont il faut tenir compte avant de conclure.

La transmission de la maladie COVID-19 a une forte composante culturelle : les habitants des pays d’Asie mettent facilement un masque, ce qui réduit la propagation du coronavirus, alors que les populations occidentales sont parfois aujourd’hui encore, réticentes.

Par ailleurs, la densité de la population et la nature des interactions diffèrent entre pays et même entre régions si bien que la distance physique “spontanée” entre deux personnes n’est pas la même d’un lieu à un autre. Avant la pandémie de la COVID-19, la distance moyenne entre deux personnes était plus grande en Europe du Nord qu’en Europe du Sud, où la densité de population est plus importante, et où les gens ont l’habitude de se parler en étant très proches et de se faire des accolades.

L’impact du COVID-19 au sein d’une population dépend grandement de la densité d’habitation et du niveau socio-économique des habitants. Des différences ethniques ont été observées par exemple aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France à Saint-Denis (les afro-américains et latino-américains sont plus touchés par la COVID-19 que les caucasiens). Ces différences sont largement dues à des différences socio-économiques qui sont corrélées avec la densité de la population, la prépondérance à assurer des métiers essentiels à risques et certains facteurs de comorbidité. Néanmoins, des facteurs génétiques encore mal compris pourraient impacter la sévérité ou la transmission du coronavirus.

4. La variabilité intrinsèque est très importante en sciences expérimentales. Une expérience dans les mêmes conditions peut donner des résultats différents en fonction d’un grand nombre de paramètres non contrôlés. Il est donc nécessaire de répéter les expériences dans plusieurs laboratoires pour répliquer les résultats et de faire des méta-analyses qui sont la synthèse d’un grand nombre d’études .


En conclusion
, les travaux scientifiques doivent être toujours ramenés à la dimension de l’étude et aux facteurs critiques pour la sévérité et la transmission de la maladie COVID-19 (âge, genre, comorbidité, culture, ethnicité). Il faut comparer ce qui est comparable: même test, même population, même critères d’analyses.

Avant de conclure, il faut du temps aux scientifiques pour tester un effet sur de grandes cohortes d’individus en prenant en compte de l’ensemble des paramètres qui peuvent influencer les conclusions. L’inclusion de contrôles, la reproductibilité des résultats par des équipes indépendantes de recherche à grande échelle et sur des populations diverses est capitale.


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Sources

Synthèse de données scientifiques sur le COVID-19 : Our World in Data, SciLine, EurekAlert.

Origine des nombres de cas et nombre de victimes du COVID-19 entre pays

Référence montrant la différence du taux d’infection en fonction de l’âge, du sexe et des facteurs de comorbidité. Méta-analyse des cas de COVID-19 dans des hôpitaux chinois: les personnes plus âgées ou avec des co-morbidités (diabétiques, hypertension, problèmes cardiovasculaires ou respiratoires) étaient plus susceptibles de présenter des symptômes graves.

Yang, J., Zheng, Y., Gou, X., Pu, K., Chen, Z., Guo, Q., … Zhou, Y. (2020). Prevalence of comorbidities and its effects in patients infected with SARS-CoV-2: a systematic review and meta-analysis. International Journal of Infectious Diseases, 94, 91–95.

Des études en Chine suggèrent que les hommes soient plus atteints par le COVID-19 que les femmes.

Cai, H. (2020). Sex difference and smoking predisposition in patients with COVID-19. The Lancet Respiratory Medicine, 8(4), e20.

Impact de la densité de population sur le taux d’attaque de la maladie Le COVID-19 se répand beaucoup plus vite dans des villes où la densité des personnes est plus élevée.

Berman, M. G., Bettencourt, L. M., & Stier, A. J. (2020). COVID-19 attack rate increases with city size. MedRxiv. PREPRINT

Différences observées au niveau du taux de transmission au sein de la famille en fonction des pays, des cultures. En Chine, la transmission secondaire du SARS-CoV-2 a eu lieu dans le 16,3% des contacts familiaux. Le taux d'attaque secondaire chez les contacts au sein des ménages avec des patients de référence mis en quarantaine par eux-mêmes depuis l'apparition des symptômes était de 0 %, contre 16,9 % chez les contacts sans patients de référence mis en quarantaine.

Li, W., Zhang, B., Lu, J., Liu, S., Chang, Z., Cao, P., ... & Chen, J. (2020). The characteristics of household transmission of COVID-19. Clinical Infectious Diseases.

Les pays avec une culture qui prévoit le port du masque ou qui l’ont imposé (Taiwan, Japon, Corée du Sud, plusieurs régions de la Chine, Slovaquie, Slovénie) présentent une augmentation moins forte du nombre de cas COVID.

Kai, D., Goldstein, G.-P., Morgunov, A., Nangalia, ishal, & Rotkirch, A. (2020). Universal Masking is Urgent in the COVID-19 Pandemic: SEIR and Agent Based Models, Empirical Validation, Policy Recommendations. ArXiv.

La distance typique entre personnes varie en fonction des cultures.

Sorokowska, A., Sorokowski, P., Hilpert, P., Cantarero, K., Frackowiak, T., Ahmadi, K., ... & Blumen, S. (2017). Preferred interpersonal distances: a global comparison. Journal of Cross-Cultural Psychology, 48(4), 577-592.

Dans le lycée de Crépy-en-Valois (Oise, France), 38% des lycéens, 43% des enseignants, et 59% des personnels travaillant dans l’établissement scolaire qui ont effectué un test sérologique ont été positifs, confirmant une infection au SARS-CoV-2. Le taux de transmission secondaire intra-familial a été estimé à 11% vers les parents et à 10% vers les frères et sœurs.

Fontanet, A., Tondeur, L., Madec, Y., Grant, R., Besombes, C., Jolly, N., ... & Temmam, S. (2020). Cluster of COVID-19 in northern France: A retrospective closed cohort study. medRxiv.

La présence d’une population plus âgée dans une population et la fréquence des contacts intergénérationnels d’une culture sont relevants pour la transmission et le taux de létalité de la COVID-19.

Dowd, J. B., Andriano, L., Brazel, D. M., Rotondi, V., Block, P., Ding, X., ... & Mills, M. C. (2020). Demographic science aids in understanding the spread and fatality rates of COVID-19. Proceedings of the National Academy of Sciences, 117(18), 9696-9698.

Etude sur les facteurs qui influencent les variations entre le taux de mortalité des cas chez les différents pays.

Ward, D. (2020). Sampling Bias: Explaining Wide Variations in COVID-19 Case Fatality Rates.

Les données de l’Observatoire Régional de Santé en Ile-de-France ont mis en évidence une surmortalité très importante dans le département de la Seine Saint Denis, avec la plus forte évolution de mortalité d’Ile de France par rapport à la même période de 2019 (+ 69,4 % entre le 1er et le 31 mars 2020 et + 118,4 % entre le 1er mars et le 10 avril 2020). En comparaison, la mortalité à Paris a augmenté de 89,8%. Dans ce département, le plus dense d’Ile de France mais aussi le plus pauvre, les logements sont souvent de surface réduite (pour 1/4 de la population de Seine Saint Denis, la surface par habitant est de 14m2 contre 17m2 à Paris) et occupés par des plus grandes familles (42,1% des logements sont occupés par 3 personnes et plus, contre 21,8% à Paris), rendant la distanciation sociale difficile à mettre en œuvre. C’est aussi dans ce département par rapport aux autres départements d’Ile de France que réside le plus grand nombre de travailleurs exposés à des situations à risque (agent hospitalier, aide-soignant, caissier, livreur) avec plus de déplacements que dans les autres départements (plus de 50% des habitants de le Seine Saint Denis travaillent dans un autre département, en comparaison les parisiens sont seulement 24,4% à travailler dans un autre département). Enfin, souvent en lien avec des conditions sociales difficiles, la prévalence de certaines pathologies (diabète, maladie chronique, surpoids) est plus importante que dans les autres départements. Les inégalités sociales et sanitaires dont souffre la Seine Saint Denis expliquent la surmortalité si élevée en Seine Saint-Denis en comparaison aux autres département d’Ile de France.

Mangeney, C., Bouscaren, N.,Telle-Lamberton, M., Saunal, A., Féron, V.La surmortalité durant l’épidémie de COVID-19 dans les départements franciliens, Observatoire régional de santé Ile de France, Avril 2020.

Les données de l’Office of National Statistics (ONS) du Royaume-Uni montrent des résultats similaires aux données françaises de l’Observatoire Régional de Santé Ile de France. La comparaison du taux de mortalité entre le 1er mars et le 17 avril 2020 dans les zones défavorisées en termes de salaire, emploi, santé, niveau d’éducation, environnement etc. et dans les zones favorisées montrent que le risque de mourir de la COVID-19 dans les zones défavorisées est 2,1 fois plus élevé que dans les zones favorisées.

Deaths involving COVID-19 by local area and socioeconomic deprivation: deaths occurring between 1 March and 17 April 2020, Office for National Statistics, 1 Mai 2020.

Pour aller plus loin

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